Interview de Pascal Haller : "Le choix du laboratoire d'analyses est aujourd'hui plus que jamais déterminant"
Pascal Haller, Directeur Technique Europe pour le réseau de laboratoires Eurofins Analyses pour le Bâtiment, revient dans son interview sur l’évolution du marché du diagnostic depuis 1996, sur ses enjeux ainsi que sur les outils sur lesquels les laboratoires peuvent s’appuyer pour avoir des rapports de qualité. Il met également en exergue l’importance du choix du laboratoire face aux évolutions normatives et réglementaires de ces dernières années.
Vous avez plus de vingt ans d’expérience dans le secteur de l’amiante, comment analysez-vous l’évolution de la profession ?
Pascal Haller : Depuis le milieu des années 90 et l’interdiction de l’amiante, les laboratoires et les opérateurs de repérage ont dû faire preuve d’adaptation faisant parfois face à de vives critiques car nos activités sont soumises à une réglementation en perpétuelle évolution. Notre mission, qui est de contribuer à la santé et à la sécurité de tous, est complexe. Elle s’attache à des aspects techniques, sanitaires et également financiers. Cependant la course au profit entraine parfois des dérives dans les pratiques, qui peuvent devenir non conformes. Les laboratoires d’analyses peuvent toutefois s’appuyer sur de multiples documents (LAB GTA 44, ISO VDI, HSG 248 par exemple, ou encore d’autres normes ISO/VDI et publications scientifiques etc..) pour déterminer les pratiques les plus pertinentes à adopter pour concilier l’ensemble de ces aspects.
L’analyse des fibres d’amiante dans les matériaux est basée depuis des dizaines d’années sur des méthodes de préparation et de dépôt pour l’analyse en microscopie électronique à transmission (MET). Ces méthodes sont à valider de manière exhaustive sur toutes les matrices qui entrent dans la composition des échantillons du bâti. Cette validation a été décrite notamment dans le LAB GTA 44 mais elle est également présente dans la première version de la norme ISO 17025. Au sein d’Eurofins, nous priorisons l’usage d’une méthode pertinente à travers une validation longue et exigeante, même si cela nécessite des investissements humains et matériels plus élevés.
En quoi votre méthode de préparation se différencie-t-elle des autres ?
PH : Chaque échantillon est différent et répond à des propriétés mécaniques et chimiques propres à sa composition. Il est alors nécessaire d’adapter le mode de préparation à chaque échantillon (et à chaque couche), ou de définir un mode de préparation basé sur une suite de traitements robustes non spécifiques à la nature de l’échantillon. Dans ce cas, ces traitements doivent s’appliquer sur l’ensemble des matrices que l’on peut retrouver dans les matériaux du bâti et/ou naturels. C’est le choix qu’a fait Eurofins.
Les dispositions techniques d’Eurofins sont de décrire et de traiter l’échantillon par couche (sans mélange) lorsque cela est possible. Puis la « libération » et la concentration des fibres sont produites par une succession de traitements avant l’analyse au microscope. Ce processus est évidemment plus complexe et plus couteux pour les laboratoires qu’une approche simpliste basée sur une méthode de préparation unitaire de l’échantillon (exemple broyage au mortier dans de l’eau/solvant), mais il permet une atteinte systématique de la Limite de Détection (LD) quelle que soit la matrice analysée.
Au sujet de la LD, quelle concentration d’amiante une analyse doit-elle être en mesure de détecter ?
PH : En France, la limite de détection des fibres d’amiante n’existe malheureusement pas encore au niveau réglementaire. Toutefois certaines normes apportent des réponses comme le guide du Comité Français d’Accréditation relatif à la recherche de l’amiante dans les matériaux du bâti (LAB GTA 44). La limite de détection mentionnée est inférieure à 0,1 % en masse dans ce guide et dans certaines normes ISO. L’atteinte de cette limite exige cependant des prérequis : 1) une quantité minimale de prise d’essai, 2) une méthode capable de réduire le liant qui englobe les fibres, 3) une méthode capable de concentrer les fibres d’amiante. La relation avec l’opérateur de repérage est alors essentielle pour définir un protocole de prise d’essai en intégrant ses contraintes. Afin de vous garantir les meilleures analyses, les laboratoires Eurofins garantissent depuis plusieurs années cette limite de détection et l’affichent sur leurs rapports. Nos méthodes internes sont également en constante évolution grâce à nos équipes d’Amélioration Continue et de Recherches et Développement, ce qui permet de fiabiliser la reproductibilité, baisser les coûts pour nos Clients et améliorer la sécurité notamment pour les opérateurs.
Quel est l’intérêt de l’analyse à la couche ?
PH : Lorsqu’un échantillon contient plusieurs matériaux (couches) et qu’il est possible de réaliser un essai sur chacun d’entre eux sans inter-contamination, cette séparation des couches est obligatoire (selon le LAB GTA 44 et la HSG 248 Annexe 2). La séparation permet de garantir les limites de détection en évitant la dilution des fibres. Elle apporte un maximum d’informations au Client puisqu’elle lui indique, lorsque de l’amiante est détecté, dans quel matériau il se situe précisément.
Eurofins a fait le choix de pratiquer la séparation systématique des couches pour fournir à ses Clients des services analytiques de qualité.